Importations de produits agricoles ukrainiens dans l’UE : le cep considère les mécanismes de sauvegarde comme une décision politiquement raisonnable

Alors que l’Union européenne avait établi un accord de libre-échange total avec l’Ukraine au lendemain de l’éclatement de la guerre en mai 2022, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont pris la décision de restreindre les importations de certains produits agricoles ukrainiens lors du renouvellement de l’accord de libre-échange le 9 avril 2024. Une telle décision s’apparente au premier abord à une trahison au moment où l’Ukraine a plus que jamais besoin d’assistance face à l’ennemi russe. Le Centre for European Policy estime néanmoins que cette décision de restreindre les importations ukrainiennes relève d’une certaine sagacité et qu’elle ne compromet pas réellement le soutien européen à l’Ukraine.

Les Adhocs du cep

L’établissement des accords de libre-échange de mai 2022 a rapidement entraîné une augmentation fulgurante des importations de produits agricoles ukrainiens en Europe. « les importations de céréales (principalement blé, orge, maïs, colza, tournesol, gruau) en provenance d'Ukraine ont explosé pour atteindre 22 millions de tonnes de juillet 2022 à juin 2023, contre 10 millions de tonnes en moyenne les années précédentes. 4,8 millions de tonnes de blé ukrainien ont été exportées vers l'UE sur les quatre premiers mois de 2023, contre 0,35 million de tonnes sur les quatre premiers mois de 2022, soit une hausse de 1150 % » souligne Victor Warhem, représentant du cep en France.

 

Dans un contexte de mécontentement profond des agriculteurs européens à l’approche des élections européennes, la Commission européenne a proposé de restreindre l’accord en limitant les importations de produits agricoles tels que le maïs, le poulet, les œufs, le gruau, le sucre et le miel. Le nouvel accord prévoit ainsi que les droits de douane seront rétablis si les volumes d’importation dépassent leur seuil de la mi-2021 à la mi-2023, comme le prévoient les mécanismes de sauvegarde mis en place. « Au-delà des concessions faites lors des manifestations en France sur l'obligation de gel des terres, l'abandon des pesticides et la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agroalimentaire, les États européens souhaitent continuer à satisfaire le monde agricole à l'approche des élections européennes ».

 

La décision représente inévitablement un pas en arrière dans l’assistance européenne allouée à l’Ukraine. « Alors que le pays risque d'être confronté à une nouvelle offensive russe et que l'aide militaire occidentale se tarit, cette décision n'aide guère un pays en manque de ressources, qui a déjà perdu une grande partie de ses terres agricoles à cause de la guerre ». Le retrait européen doit toutefois être relativisé dans la mesure où le manque à gagner pour les agriculteurs ukrainiens demeure minime en comparaison du volume des autres aides européennes « l'Union européenne peut aider l'Ukraine de bien d'autres manières, et ces quelques centaines de millions d'euros de perte de revenus agricoles par an ne sont rien comparés aux 143 milliards d'euros que l'UE et ses États membres ont déboursés depuis 2022 ou débourseront sous forme d'aide financière, militaire ou humanitaire. Même si le soutien à l'Ukraine doit être renforcé, il est plus logique politiquement de faire autrement qu'en soutenant l'importation massive de produits agricoles ukrainiens dans l'Union ». À plus long terme cependant, le débat actuel sur la concurrence des produits ukrainiens soulève la question de l’intégration future de l’Ukraine aux exigences de la PAC afin de garantir une intégration harmonieuse de l’Ukraine au marché unique européen.