Sans valeur ajoutée avérée, très coûteuse, voire dangereuse : le cep rejette la proposition de règlement d’euro numérique

Que ce soit en Chine, aux États-Unis ou ailleurs, les monnaies numériques gagnent du terrain. Alors que la Banque centrale européenne (BCE) pousse depuis des années déjà à l'introduction d'un euro numérique et que la Commission lui a emboîté le pas cet été avec une proposition de cadre juridique, le Centre de Politique Européenne (Centre for European Policy, cep) s'oppose à l'introduction d'une monnaie numérique européenne sur la base de la proposition de règlement européen publié en juin dernier. Cette proposition fait l’objet d’une évaluation méticuleuse de la part du cep, probablement la plus détaillée à ce jour.

Les Analyses du cep

« La BCE et la Commission devraient pour l'instant s'abstenir d'introduire un euro numérique, tout d’abord parce qu’il n'y a pas de défaillance du marché. Par ailleurs, il existe des projets européens alternatifs qui ne nécessitent pas d'interventions publiques. Enfin, si en théorie, on peut y voir un instrument pour protéger la souveraineté européenne sur la monnaie et les paiements face aux acteurs américains, chinois et cryptos, il faut se questionner sur la valeur réelle de cette souveraineté tant le déploiement de l’euro numérique serait coûteux, sans bénéfice avéré pour les citoyens pour le moment. », explique Victor Warhem, expert des questions financières au cep. L'économiste du cep Paris a analysé chaque disposition de la proposition de règlement d’euro numérique avec les experts financiers du cep Anastasia Kotovskaia et Philipp Eckhardt du cep Fribourg/Berlin.

 

Selon les chercheurs du cep, donner cours légal à l’euro numérique signalerait que la Commission elle-même ne croit pas à une large acceptation de l'euro numérique. « Il n'est guère judicieux d'introduire de force un nouveau moyen de paiement public qui, en soi, ne présenterait que peu d'avantages pour les citoyens et dont l'obligation d'acceptation génère des coûts ponctuels énormes pour les commerçants et les fournisseurs de services de paiement », prévient Anastasia Kotovskaia. En outre, d'un point de vue juridique, la BCE n'est même pas autorisée à émettre un euro numérique sous la forme prévue.

                                                                                    

Selon M. Eckhardt, les banques devraient pouvoir décider librement si elles souhaitent proposer des services liés à l'euro numérique - ou non. Dans le cas contraire, elles pourraient être contraintes d'investir des fonds dans un modèle commercial non viable et potentiellement non rentable.

 

M. Warhem estime enfin que les risques de réputation pour la BCE sont nombreux : absence d’adoption, failles de cybersécurité, scandales liés au manque de respect de la vie privée, etc. « En voulant protéger l’euro de l’assaut de monnaies étrangères et numériques, les autorités pourraient au final en réduire sa crédibilité, avec un impact négatif sur la transmission des politiques monétaires », avertit-il.